Nous appelons les autorités monégasques à retirer immédiatement tous les chefs d’inculpation à l’encontre de Jonathan Taylor et à l’autoriser à retourner sans délai chez lui. Le 31 juillet 2020, Jonathan Taylor a été arrêté et détenu à l’aéroport de Dubrovnik en Croatie dans le cadre de poursuites pour corruption intiées par le procureur de Monaco, alors qu’il arrivait pour de courtes vacances avec sa femme et ses trois enfants. En 2014, Jonathan Taylor avait lancé l’alerte au sujet d’un réseau international de « pots-de-vin » à hauteur de 275 millions de dollars payés par son ancien employeur, la compagnie de plateformes pétrolières SBM Offshore. Grâce aux preuves que Jonathan Taylor a fourni au Serious Fraud Office du Royaume-Uni, à des inspecteurs au Brésil et aux Pays-Bas ainsi qu’au FBI et au Département de Justice des Etats-Unis, SBM Offshore a dû s’acquitter d’amendes dont le montant dépasse les 800 millions de dollars. Le 3 août 2020, un juge à Dubrovnik a ordonné la libération sous caution de Jonathan Taylor avec obligation de ne pas quitter la Croatie où il demeure sous la menace de procédures judiciaires en cours.
Cette arrestation illustre une fois de plus les stratégies abusives employées par SBM Offshore pour harceler et faire taire Jonathan Taylor qui s’est exprimé dans l’intérêt public. En 2014, SBM Offshore déposait une plainte au pénal à Monaco contre M. Taylor et une année plus tard engageait une procédure pour diffamation à son encontre aux Pays-Bas suite à une interview qu’il avait accordée à Vrij Nederland, demandant que Jonathan Taylor publie une rétractation et paie des dommages et intérêts à SBM Offshore. Alors que cette requête a échoué, l’abus d’actions en justice intentées contre des lanceurs d’alerte par des parties puissantes et influentes démontre la précarité du droit du public à l’information et les dangers inhérents au lancement d’alertes. Porter à la connaissance du public des informations concernant des violations ou infractions potentiellement graves requérant l’ouverture d’informations judiciaires de la part d’autorités publiques à travers le monde relève de l’intérêt public et est essentiel pour garantir l’Etat de droit et s’assurer que personne n’est au-dessus des lois. L’importance fondamentale du lancement d’alertes est désormais pleinement reconnue par l’Union Européenne et a été récemment codifiée dans la Directive Européenne sur la protection des lanceurs d’alerte (EU 2019/1937), qui stipule que « le fait d’offrir une protection efficace aux lanceurs d’alerte contre les représailles accroît la sécurité juridique pour les lanceurs d’alerte potentiels et encourage ainsi le lancement d’alertes via les médias. » Lorsque des organisations et leur direction ne sont pas transparentes ou font obstacle aux appels à la transparence et à la responsabilité alors la démocratie dépend des actions et du courage des lanceurs d’alerte tels que Jonathan Taylor.
L’arrestation de Jonathan Taylor en Croatie intervient en réponse à une notice rouge d’Interpol émise en référence aux poursuites abusives intentées par son ancien employeur SBM Offshore en 2014 et en vertu d’un mandat d’arrêt seulement délivré cette année par Monaco. Cette affaire est un nouvel exemple d’instrumentalisation du système des notices rouges pour cibler et intimider des journalistes critiques, des lanceurs d’alerte et des personnes qui au sein de la société civile jouent le rôle de « chiens de garde ». Des pays tels que la Turquie, la Russie, le Kazakhstan ou autres ont émis des notices rouges contre des journalistes, des lanceurs d’alerte et des défenseurs des droits de l’Homme, sans qu’elles aient été soumise à un contrôle ou à un examen sérieux, laissant ainsi les cibles de ces notices avec peu de voies de recours ou de protection. Des pays, incluant des Etats Membres de l’UE comme la Croatie, peuvent refuser d’exécuter une notice rouge mais, en l’absence d’un système efficace et bien établi qui lui permettrait de procéder à un examen indépendant de ces avis de recherche, il n’existe pas de démarches spécifiques pour contester ces notices avant leur exécution, laissant ainsi les lanceurs d’alerte comme Jonathan Taylor dans l’incertitude quant à leur situation. Le fait que leur avenir dépende d’un système aussi opaque ajoute à l’isolement et aux représailles que subissent les lanceurs d’alerte et a un effet dissuasif sur ceux qui voudraient s’exprimer dans l’intérêt public. Alors que des réformes ont été faites pour améliorer la transparence du processus, un travail important reste à faire pour assurer que les États n’abusent pas du système aux fins d’étouffer la critique et de diaboliser les voix critiques.
Nous réitérons notre appel aux autorités de Monaco d’abandonner les poursuites à l’encontre de Jonathan Taylor, et de l’autoriser à rentrer chez lui sans délai. Nous appelons également les autorités de Croatie à s’assurer que soient accordés à Jonathan Taylor tous les droits et protections contre ces poursuites-bâillons et à réaffirmer leurs engagements en matière de protection des lanceurs d’alerte.